• Un oiseau siffle dans les branches
    Et sautille gai, plein d'espoir,
    Sur les herbes, de givre blanches,
    En bottes jaunes, en frac noir.

    C'est un merle, chanteur crédule,
    Ignorant du calendrier,
    Qui rêve soleil, et module
    L'hymne d'avril en février.

    Pourtant il vente, il pleut à verse ;
    L'Arve jaunit le Rhône bleu,
    Et le salon, tendu de perse,
    Tient tous ses hôtes près du feu.

    Les monts sur l'épaule ont l'hermine,
    Comme des magistrats siégeant.
    Leur blanc tribunal examine
    Un cas d'hiver se prolongeant.

    Lustrant son aile qu'il essuie,
    L'oiseau persiste en sa chanson,
    Malgré neige, brouillard et pluie,
    Il croit à la jeune saison.

    Il gronde l'aube paresseuse
    De rester au lit si longtemps
    Et, gourmandant la fleur frileuse,
    Met en demeure le printemps.

    Il voit le jour derrière l'ombre,
    Tel un croyant, dans le saint lieu,
    L'autel désert, sous la nef sombre,
    Avec sa foi voit toujours Dieu.

    A la nature il se confie,
    Car son instinct presse la loi.
    Qui rit de ta philosophie,
    Beau merle, est moins sage que toi ! 


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  • Théophile GAUTIER

    La plus délicate des roses
    Est, à coup sûr, la rose-thé.
    Son bouton aux feuilles mi-closes
    De carmin à peine est teinté.

    On dirait une rose blanche
    Qu’aurait fait rougir de pudeur,
    En la lutinant sur la branche,
    Un papillon trop plein d’ardeur.

    Son tissu rose et diaphane
    De la chair a le velouté ;
    Auprès, tout incarnat se fane
    Ou prend de la vulgarité.

    Comme un teint aristocratique
    Noircit les fronts bruns de soleil,
    De ses soeurs elle rend rustique
    Le coloris chaud et vermeil.

    Mais, si votre main qui s’en joue,
    A quelque bal, pour son parfum,
    La rapproche de votre joue,
    Son frais éclat devient commun.

    Il n’est pas de rose assez tendre
    Sur la palette du printemps,
    Madame, pour oser prétendre
    Lutter contre vos dix-sept ans.

    La peau vaut mieux que le pétale,
    Et le sang pur d’un noble coeur
    Qui sur la jeunesse s’étale,
    De tous les roses est vainqueur !

    .
    Théophile GAUTIER   (1811-1872)


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